La maîtrise statistique des procédés et les cartes de contrôle

Par Le 11/07/2016

Dans Outils 6 sigma

La maîtrise statistique des processus (MSP ou SPC - statistical process control) est l'un des principaux outils de la démarche 6-sigma. Elle s'intègre également dans le pilier JIDOKA (bon du premier coup) de l'approche Lean dans la mesure où elle permet de réduire la variabilité du processus de production.

L'objet de la MSP est de donner aux opérateurs de machines de production un outil graphique simple de pilotage de la production (il s’agit d’autocontrôle) leur permettant de maintenir la production centrée sur sa cible et de maintenir sa dispersion à l'intérieur de l'intervalle de tolérance spécifié (IT).

La MSP s'appuie sur deux outils fondamentaux:

·       le suivi des processus par « cartes de contrôle » (créées par W. Shewhart, dès 1930) et

·       la mesure des capabilités des moyens de production (développée à partir des années 1970).

Adaptée aux productions en série, la MSP reste pertinente également pour les productions en très petites séries voire unitaires (l'effet de série pourra être rétabli en calculant une moyenne glissante des valeurs individuelles).

Les cartes de contrôle

Les cartes de contrôles permettent de piloter la production (régler les consignes appliquées aux machines) par rapport aux limites naturelles du processus (il s’agit de la dispersion du moyen de production autour de sa consigne en l’absence de cause particulière de déréglage) et non par rapport aux spécifications (intervalle de tolérance défini par la tolérance supérieure, TS et la tolérance inférieur, TI), qui servent seulement à accepter ou non une production.

Carte moyenne etendue

Un pilotage aux tolérances consistant à régler une machine uniquement lorsque la cote d’une pièce sort de l’intervalle de tolérance conduit, en effet, à appliquer des réglages trop tardivement (des rebuts ont déjà été produits) ou à tort (alors que la machine est en fait centrée).

Ainsi, même pour une production soumise à un tri à 100%, les cartes de contrôle restent pertinentes: le tri permet d'écarter les pièces non conformes alors que les cartes de contrôle permettent d'éviter de produire des pièces non conformes !

Le suivi de production par cartes de contrôle consiste à prélever, à fréquence constante, un échantillon de pièces dont on mesure la caractéristique qui fait l’objet du suivi (généralement une cote): l’opérateur calcule alors la moyenne et l’étendue de chaque échantillon qu’il reporte sur une carte afin de les comparer aux limites naturelles du processus. Lorsque ces valeurs « sortent » des limites, l’opérateur sait que le processus fait l’objet d’une cause spéciale (un déréglage, un défaut de lubrification, un outil usé,...). Il doit, alors, prendre l’action corrective qui va permettre de recentrer le processus sur sa cible, à l’intérieur de l’intervalle de tolérance.

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Comment mettre en place des cartes de contrôle ?

La mise sous cartes de contrôle d'une production passe par les étapes suivantes:

1) Choix de la taille (n ≥ 5) et de la fréquence de prélèvement des échantillons de mesure permettant d'anticiper les réglages ou les changements d'outils.

Il est préconisé de choisir une fréquence de prélèvement de telle manière que le ratio nombre de réglages / nombre de prélèvements soit d'environ un quart. Une taille d'échantillon impaire a l'avantage de permettre de déterminer la médiane très simplement. 

2) Collecte initiale de x (≥ 10) échantillons de n mesures (soit un nombre de mesures ≥ 50) et détermination des moyennes (X) et étendues (R) de chaque échantillon.

On pourra préalablement vérifier la capabilité du moyen de contrôle/mesure par une étude R & R (répétabilité et reproductibilité) ou CMC (capabilité des moyens de contrôle) afin de vérifier que l’incertitude et la variabilité de la mesure sont compatibles avec la tolérance et la variabilité du procédé.

3) Vérification sur ces échantillons que le processus étudié suit une loi normale (test de normalité de type Khi 2, Shapiro et Wilk ou droite de Henry)

4) Détermination sur ces échantillons des caractéristiques statistiques du processus:

-valeur moyenne des x échantillons: X

-moyenne des étendues des x échantillons: R

-dispersion: σ = R / d2 (loi de l'étendue réduite)

-capabilité et indicateur de décentrage du processus: Cp

-probabilité de défectueux (fonction de Cp et Cpk)

Ces deux derniers paramètres permettent de vérifier que le moyen de production est adapté à la production visée, c'est-à-dire capable de produire dans l’IT avec un taux de rebut acceptable.

5) Détermination des paramètres des cartes de contrôle

-Limites supérieures et inférieures de contrôle des moyennes ou médianes

Pour une taille d'échantillon de n = 5:

LSCX = X + 0,58 x R, et,

LICX = X - 0,58 x R

-Limite supérieure de contrôle des étendues ou écart-types

Pour une taille d'échantillon de n = 5: LSCR = 2,11 x R

On constate bien ici que les limites de contrôle sont indépendantes des valeurs des limites de tolérance (TI et TS).

6) Suivi de la production en mode « prédictif » par cartes de contrôle (échantillons de même taille que pour le prélèvement initial). Pour chaque échantillon prélevé à la fréquence définie en 1), on calcule la moyenne et l’étendue que l’on reporte sur la carte. En fonction de leur position par rapport aux limites de contrôle, on décide des actions de réglage à prendre pour maintenir la production à l'intérieur de l'intervalle de tolérance.

è La carte des moyennes détecte les dérives de position du processus (action: nouveau réglage)

è La carte des étendues ou des écart-types détecte les dégradations de la dispersion donc de la capabilité du processus (action: changement d’outil, lubrification, ...) 

Les cartes « moyenne/écart-type » sont plus efficaces mais nécessitent des calculs contrairement aux cartes « médiane/étendue », plus simples d’utilisation pour les opérateurs.